Le Glaive de Saint Michel
par Israël Shamir
26.09.2004
Dans The Dune, un film visionnaire qui prédit
l’invasion du Moyen-Orient par les Etats-Unis, on demande au
chef spirituel de la Résistance :
-
Aurons-nous un jour la
paix ?
-
Nous aurons la victoire,
répondit-il.
En effet, parfois, un envahisseur peut
s’adoucir, et rechercher la paix ; mais un pays agressé doit
poursuivre la victoire, tant que l’envahisseur ne demandera pas
la paix. Ainsi, durant la guerre au Vietnam, de bons Américains
demandaient « la paix », mais les Vietnamiens et leurs soutiens,
partout dans le monde, voulaient défaire l’envahisseur. Cette
règle est souvent oubliée des tenants contemporains du pacifisme
et de la non-violence. Ils prêchent la non –violence aux
opprimés, en la leur présentant comme la panacée de tous leurs
maux. Comme on devait s’y attendre, la non-violence, bénéficiant
d’une très bonne couverture médiatique, est très copieusement
servie aux opprimés.
La Terre Sainte a reçu, dernièrement, un
petit-fils du Mahatma Gandhi, lequel est allé enseigner la
non-violence aux Palestiniens, à Ramallah. Bonne idée ; mauvais
endroit : la non-violence est le pain quotidien de l’immense
majorité des Palestiniens, leur « violence d’opprimés » étant
une denrée rare et précieuse ; sans celle-ci, la non-violence
n’a aucun sens. La part léonine de la violence est du fait de l’Etat
juif, bien qu’il s’agisse souvent d’une « violence suspendue »,
pour reprendre l’expression du philosophe israélien Adi Ophir,
ami de la Palestine : une violence suspendue comme l’épée de
Damoclès, comme une sentence de mort, lovée sur elle-même, en
suspens, prête à se dérouler et à frapper à tout instant. Les
Munichois laissent la violence suspendue en place ; voilà
pourquoi, au lieu de la paix, c’est la victoire, qu’il nous faut
rechercher.
Plus dérangeante encore : cette tendance à faire
de la non-violence la seule voie possible, une sorte de norme
pieusement orthodoxe pour tout dissentiment. « Rien ne saurait
justifier la violence », ou encore « deux torts ne font pas un
droit » : on entend lâcher quotidiennement cette pseudo sagesse,
qui est une authentique plaisanterie. Elle est fausse à tous
points de vue ; même vue du plus haut standard moral : la
violence est justifiée, elle est impérative, même, lorsqu’il
s’agit de sauver la vie et la dignité d’autrui. Un saint homme
peut suivre à la lettre le Sermon sur la Montagne, et tourner sa
joue droite afin qu’on la soufflette ; mais il ne peut passer à
côté d’un violeur ou d’un assassin et le laisser poursuivre ses
méfaits sans lui demander des comptes. Il doit le tuer, s’il n’y
a pas d’autre manière d’arrêter l’assassin. Nous sommes libres
de renoncer à notre vie et à notre dignité, mais nous avons le
devoir de défendre autrui. De même, la justice « commet le mal »
en emprisonnant, en soumettant à l’amende ou en exécutant
quelqu’un parce qu’il a « commis le mal » en assassinant ou en
violant ; vu sous cet angle, pour sûr, « deux torts font bel et
bien un droit »…
Cette règle très simple est parfois oubliée -
intentionnellement, le plus souvent – par les prêcheurs de la
non-violence. Sur le forum de discussion Togethernet (voir
ci-après), un pacifiste canadien d’origine iranienne, Ardeshir
Mehta, affirmait ceci : « Soit on est chrétien, soit on se fait
l’avocat de la violence. Mais, ces deux choses à la fois :
impossible ! » Ardeshir n’est ni l’un ni l’autre, mais les
paroles du Christ sont souvent citées avec les mêmes libertés
que prenait Nietzsche lorsqu’il citait Zarathoustra. John
Domingo, un Sud-Africain radical, rétorqua : « Justifié-je la
violence palestinienne ? Non, je ne la justifie pas : je la
soutiens ! »
La résistance violente est-elle mauvaise et
anti-chrétienne ? Cette question m’amène à l’esprit un tableau,
que j’ai vu à Medina del Campo, une petite ville castillane où
se tenait une exposition de peintures en mémoire d’Isabelle la
Catholique, la Reine de Christophe Colomb et de Grenade. Le
tableau d’un de son contemporain, El Maestro de Zafra [Alejo
Fernandez] est sans doute l’œuvre la plus marquante et
impressionnante de l’art de cette époque, et même, à vrai dire,
de toutes les époques… Au beau milieu d’une bataille
apocalyptique, parmi des saints et des anges, des diables et des
dragons, sur un fond d’un bleu profond, brillait une
représentation élégante, calme, sereine, de Saint Michel
brandissant son glaive d’une main et son bouclier damasquiné de
l’autre. Un visage d’une sublime beauté, quelque peu androgyne,
comme le sont les anges, ce Saint Michel serein n’était pas
effleuré par la moindre haine, la fureur ne voilait pas ses
paisibles yeux saphir, la colère ne ridait pas son front lisse,
couronné d’un crucifix. Mais son glaive n’était visiblement pas
un jouet : s’il était brandi, c’était pour frapper.
C’est dans une profonde vallée qu’est blotti le
village palestinien d’Ein Karim. Des buissons rouges et violets
de bougainvillées y embrassent sa délicieuse Eglise de la
Visitation, qui marque le lieu où se rencontrèrent les deux
futures mères. Au niveau supérieur, on peut voir une grande
peinture représentant la bataille navale de Lépante, la Vierge
étant l’inspiratrice de cette bataille, le Commandeur de l’Armée
Céleste et le Défenseur de la Foi, semblable, en cela, au
Saint-Michel des Castillans, à la Nikè des Grecs et aux
Walkyries des pays nordiques ; c’est une manifestation du
Christ, qui a dit : « Je ne vous ai pas amené la paix, mais
l’épée ». L’épée… de Saint-Michel.
La foi chrétienne comporte des idées apparemment
contradictoires ; c’est l’une de ses qualités sans pareilles.
Parmi celles-ci, l’exemple de Saint François d’Assise, qui
considérait qu’il retirait son plus grand plaisir d’être humilié
et poussé dans la neige. Mais aussi le glaive brandi par
Saint-Michel. Ces deux contraires sont harmonisés par notre
amour pour Dieu et les êtres humains, nos semblables. Cet amour
peut nous amener à tout donner, y compris notre vie, et il peut
nous amener, aussi, à soustraire la vie.
Comme l’exprime notre ami, le philosophe Michael
Neumann :
« Le christianisme est une religion d’amour.
Mais ce n’est pas une religion d’amour gratifiant ni d’amour
fou. Le pêcheur repentant est aimé. Le pêcheur persistant dans
le péché est abhorré, mais il reçoit l’amour de Dieu lorsqu’il
reçoit la grâce du repentir. Pensez à Tertullien, lequel
affirmait : « Ce que nous apprendrons au Jugement Dernier, c’est
qui, en définitive, est haï. Nous devons toujours aimer nos
ennemis, mais pas les ennemis de Dieu ! »
Trop souvent, la non-violence ne découle ni de
l’humilité ni du don de soi, mais de l’instinct de conservation
et de la peur ; notamment de la peur de soutenir le bon camp,
dans une guerre. Etre « contre les guerres et la violence » est
en général plus facile que faire face à un agresseur
envahisseur, en particulier quand il se trouve que l’agresseur
et l’envahisseur est votre propre pays.
Ainsi, en Italie, le leader communiste Fausto
Bertinotti s’est proclamé « contre la guerre en Irak », car « il
est pacifiste et contre les guerres, quelles qu’elles soient ».
Après une telle déclaration, il n’avait plus aucun motif à
exiger le retour à la maison des soldats italiens. D’ailleurs,
il s’en est bien gardé. Quel changement, pour un parti qui
enseigna jadis les paroles retentissantes de ce grand rebelle,
le Président Mao, lequel a dit : « Le pouvoir est à la pointe du
fusil ! »
Et on peut dire que les Italiens sont réellement
coincés. Pour la deuxième fois en soixante ans, leur pays a
choisi le mauvais cheval : deux fois de trop ! Voici soixante
ans de cela, les jeunes soldats italiens sont allés à Stalingrad
avec Hitler ; et voici qu’aujourd’hui leurs enfants et leurs
petits-enfants vont à Bagdad avec Bush. Et pourtant, hier comme
aujourd’hui, le douloureux devoir de tout Italien doté d’une
conscience, c’est de souhaiter une prompte victoire aux gens qui
tirent sur les soldats italiens. Qu’il se soit agi, hier, des
soldats russes, sur les rives de la Volga, ou qu’il s’agisse,
aujourd’hui, des résistants irakiens, sur celles de l’Euphrate.
Certaines guerres sont stupides : personne ne
sait pourquoi on a fait la Première guerre mondiale – il n’y
avait même pas une Hélène à ramener à la maison depuis les rives
de la Spree. Dans ce genre de guerre, il ne faut surtout pas
combattre. Mais dans la présente guerre, nous avons bien un bon
camp et un mauvais camp, et notre devoir nous impartit de
soutenir le bon contre le mauvais.
Dans la Troisième Guerre mondiale, menée en
Palestine, en Irak, en Afghanistan et ailleurs, il ne suffit pas
d’être « contre la guerre », ni de prêcher la non-violence « aux
deux côtés ». On doit donner un entier soutien moral aux
combattants qui résistent à l’envahisseur, tout comme les Russes
résistèrent à l’agression germano-italienne, durant la Seconde
guerre mondiale. De la même manière, les bons Américains ont
soutenu le Viet Cong contre leur propre armée ; et les bons
Français – à l’instar de nos amis Ginette Skandrani et Serge
Thion – ont soutenu la résistance algérienne. Le pacifisme n’est
que l’échappatoire du couard qui veut échapper à un choix moral
inéluctable.
Les états de service moraux du pacifisme sont
loin d’être parfaits. Beaucoup de lecteurs ont entendu parler
d’un ouvrage publié en Amérique, pendant la Seconde guerre
mondiale, par un certain Dr. Kaufman, qui proposait de
stériliser les Allemands afin de se débarrasser du bellicisme.
Le ministre allemand de la propagande fit réimprimer ce livre,
en plusieurs millions d’exemplaires, afin de galvaniser le moral
des combattants allemands et de leur rappeler qu’ils ne
défendaient pas seulement leur Patrie, mais leur Paternité, tout
aussi bien… Peu de gens savent que ce même Dr. Kaufman proposait
de stériliser les Américains, aussi – c’était un pacifiste
convaincu. Il pensait que rien ne pourrait apporter la paix
universelle comme la stérilisation de masse, voilà tout…
Un autre grand pacifiste, Lord Bertrand Russell,
se fit l’avocat de la vitrification nucléaire de l’Union
soviétique afin d’apporter la paix. Le père de la non-violence,
le Mahatma Gandhi, conseilla pour sa part aux juifs de se
suicider en masse afin de couvrir de honte leurs oppresseurs
nazis, et sa propre carrière politique se conclut par l’un des
plus grands massacres de l’histoire humaine. Bref : le pacifisme
est une idée bizarre, douteuse, et qui ne marche pas.
Par le passé, les ennemis du Christ tentèrent de
convaincre les Chrétiens (et pour moi, les Musulmans sont
chrétiens, eux aussi, puisqu’ils croient que Jésus est l’Oint du
Seigneur) d’accepter la non-violence et le pacifisme au moyen de
divers sophismes. Le Toledot Yeshu, un best-seller judaïque du
quatrième siècle, très amusant (bien qu’extrêmement
anti-chrétien), nous conte l’histoire d’un juif rusé, qui vint
trouver les premiers Chrétiens, en prétendant qu’il était envoyé
par le Christ. Il les endoctrina (dit l’ouvrage), au nom du
Christ :
« Le Christ a souffert aux mains des juifs, mais
il n’a pas résisté. De la même manière, vous devez endurer quoi
que ce soit que les juifs vous fassent subir, sans leur causer
aucun dommage, tout comme Jésus. Si un juif exige de vous que
vous marchiez sur une distance de cinq kilomètres, faites ces
cinq kilomètres à pied, et puis, tiens : vous en ferez même dix.
Si un juif vous fait du mal, ne lui faites pas de mal en
rétorsion. Si un juif vous soufflète à la joue droite, tournez
vers lui votre joue gauche, par amour pour Jésus, et ne causez
aucun tracas aux juifs, ni petit, ni grand. Si un juif vous
insulte, ne le punissez pas, mais dites-lui : « C’est votre
arrogance qui s’exprime ici », et laissez-le aller librement. Si
vous voulez être auprès de Jésus, dans l’Au-Delà, vous devez
souffrir tout le mal que vous causent les juifs et les en
remercier par vos bonnes actions et votre reconnaissance ».
Nous ne savons pas si une telle tentative
d’endoctrinement a jamais eu lieu, dans les années obscures
antérieures à la conversion de Constantin, mais si cela fut le
cas, elle a profondément échoué, comme plus d’un juif insolent a
eu à en connaître à ses dépens. Non que les Chrétiens eussent
oublié les paroles de Jésus (son message pacifique ne faisait
pas particulièrement référence aux juifs), mais la foi
chrétienne n’est pas une simple collection de ses propos ; elle
se manifeste dans le corps vivant de l’Eglise, dans sa doctrine
et sa praxis, et cela inclut tout autant le glaive de Saint
Michel que les petites fleurs de Saint François d’Assise…
La société, comme toute chose dans l’univers,
est au mieux de sa forme lorsque existe un équilibre entre le
yin (le principe passif, féminin) et le yang (le principe actif,
masculin). A chaque fois où le yang de la Chrétienté fut
puissant, la Chrétienté fut puissante. Alors, l’Eglise bénit
beaucoup de guerriers, et elle fut bénie en retour par eux.
Saint George Terrassant le Dragon et Sainte Jeanne d’Arc
manièrent l’épée. L’Eglise occidentale connut les Templiers et
les Chevaliers de Saint-Jean, et l’Eglise orientale vénère Saint
Alexandre Nevsky, qui battit les Germains, ainsi que Saint
Serge, qui pria pour demander la victoire sur les Tartares, et
elle lui fut accordée. Car la guerre peut avoir une
signification spirituelle ; et nous devons reconnaître que « la
guerre est une voie possible vers l’ascèse et l’immortalité »,
comme l’a dit Julius Evola afin de résumer d’une formule la
tradition chrétienne médiévale. Les Musulmans, nos frères,
expriment la même idée, parlant de Petit Jihâd (la guerre pour
la foi, contre l’oppresseur) et le Grand Jihâd (la guerre pour
la foi, dans son âme propre).
Aujourd’hui, le yin a conquis l’esprit de
l’Occident, cependant que son yang naturel et indompté prenait
congé de l’harmonie. Le mouvement pacifiste est dominé par des
femmes, et ce n’est pas là pure coïncidence. Dans un article
intitulé Les Vieilles Petites Madones de la Paix, Owen Owens
(auteur d’une critique de notre étude Pardès) remarque que le
public du Camp de la Paix se caractérise par les qualificatifs
suivants : « féminin, âgé et courtaud ».
Bien sûr, ces petites Madones-là sont bénies.
Mais leur prédominance est un signe d’absence de balance. A côté
du Mouvement Yin de la Paix, il y a - ou plutôt, il devrait y
avoir – le Mouvement Yang de la Victoire. Ce sont eux, les
combattants armés de mitraillettes AK-47, qui progressent
précautionneusement dans les venelles étroites de Naplouse ou de
Fallujah, eux, les paysans français de José Bové qui aplatissent
des McDo avec leurs tracteurs, eux, les manifestants de Seattle
et de Gênes, eux, les partisans de Che Guevara et les rebelles
de Mishima, c’est eux, les combattants du Christ des temps
modernes, qui tiennent bon, face à la pire force anti-chrétienne
de toute l’histoire de la Chrétienté.
Saluez ces combattants, ne retenez pas leur bras
armé.
Nous n’aurons peut-être pas la paix. Mais pour
sûr, nous aurons la victoire !
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