Interview d’Israel Shamir
(11.08.2011) par Maria Poumier
Traduction et transcription: Marcel Charbonnier
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Entretien-avec-Israel-Adam-Shamir-7930.html
Israel Adam Shamir, vous avez déjà publié quatre
ouvrages en français entre 2003 et 2010. Le principal sujet abordé était les
exactions israéliennes à l’encontre de la Palestine et de nombreux autres pays
et peuples. Quels sont, à vos yeux, les nouveaux facteurs susceptibles d’être
utilisés afin d’affaiblir l’Etat juif d’Israël ? Pensez-vous qu’une réédition de
la Flottille de la Liberté puisse être réellement utile, à cette fin ?
Non, je ne pense pas qu’une nouvelle Flottille changerait grand-chose… Vous
savez, comme le disent les Français : « Tout change, mais rien ne change… » Un
changement beaucoup plus important, c’est le fait qu’aux Etats-Unis, nous avons
aujourd’hui un président et un gouvernement qui veulent, clairement, changer
leur mode de relation (avec Israël) et en faire une simple relation (parmi
d’autres relations interétatiques) et non pas la Relation par excellence. C’est
là réellement un progrès. Quant aux développements dans les pays arabes,
notamment et Egypte, c’est l’inconnue : nous savons d’où ces pays sont partis,
mais nous ignorons encore ce vers quoi ces révolutions vont les amener. La
réconciliation entre les factions palestiniennes n’est pas encore effective ;
c’est quelque chose qui relève encore de nos espérances. La crise financière,
avec ses rebondissements incessants, a pour effet que l’opinion publique
s’intéresse de moins en moins au Moyen-Orient. En arrière-fond, nous avons
aujourd’hui cet événement inouï, en Norvège. De mon point de vue, cela a été un
véritable tremblement de terre, ne serait-ce que parce que cette tuerie a
démontré ce dont des pro-israéliens fanatiques étaient capables, en Europe et
ailleurs dans le monde.Nous sommes donc confrontés à une situation extrêmement
dynamique, mais l’équilibre des pouvoirs n’a pas réellement changé.
Aujourd’hui, vous avez quitté Israël, et vous
écrivez moins en anglais. Vous semblez renouer avec le russe, votre langue
maternelle. Vous avez écrit, avec la facétie qui vous est coutumière « Il y a
une vie après le sionisme (et après les batailles contre le sionisme) »). Quels
sont les nouveaux sujets qui vous tiennent le plus à cœur ?
Vous savez, la façon de rester fidèle à sa ligne de pensée est quelque chose de
compliqué, pour un écrivain. D’un côté, j’ai trouvé un soutien extraordinaire
auprès de très nombreux lecteurs, c’est vrai. Mais on peut se retrouver
tellement assiégé, tellement harcelé que cela en est parfois vraiment choquant :
on empêche vos articles d’être publiés. Cette censure est très brutale et vous
vous retrouvez dans une situation très difficile à supporter. C’est une des
choses qui m’ont profondément affecté. J’ai redouté, à un certain moment, de
devenir l’homme d’une seule cause, obsédé par une unique préoccupation ; c’était
trop, pour moi. Je viens de passer près d’une année en Russie, et cela fut une
expérience bien différente. Ma position sur les événements en Israël/Palestine
est grosso modo la plus générale, que je me trouve en Russie ou en Grèce ou en
Turquie; car ce problème fait l'unanimité partout, et cette unanimité est une
des grandes différences entre l'Occident et l'Orient. Je n’avais donc pas à
prêcher à des convaincus et je pouvais faire autre chose : j’ai pu observer ce
qu’il se passe dans la société russe. Comme vous le savez, je suis né en Russie.
Mais cela faisait une vingtaine d’années que je n’y avais séjourné aussi
longuement. Cela a été particulièrement intéressant pour moi, car j’ai pu
constater les changements très importants que ces deux décennies ont apportés en
Russie ; c’est intéressant, la situation est très dynamique. La Russie est en
train de réaffirmer son indépendance, c’est là quelque chose de très positif.
Mais, d’un autre côté, ceux qui sont opposés à l’indépendance de la Russie sont
eux aussi extrêmement actifs. Les sionistes sont actifs également en Russie. Oh,
bien sûr, pas autant qu’en Europe ou aux Etats-Unis… A mes yeux, il est
important de favoriser une interaction entre nos amis (antisionistes) en
Occident et nos amis en Russie, de sorte que nos amis russes ne se sentent pas à
nouveau abandonnés comme ils le furent il y a de cela vingt ans, époque où ils
ignoraient encore qu’il y avait, aussi, en Occident, des forces anti-impérialistes,
et pas seulement des néolibéraux.
Vos lecteurs occidentaux ont été surpris par
votre défense et illustration de Staline, ainsi que par la tendance spirituelle
religieuse que vous prêtez au communisme. Le Parti Communiste connaît-il une
renaissance, en Russie ? Comment l’industrie russe peut-elle se développer en
l’absence d’immigration, avec les pertes démographiques que connaît ce pays, et
de tels immenses espaces vides de toute population ? La recolonisation du
Birobidjan par des gens qui sont en train de quitter Israël serait-elle à vos
yeux une bonne chose ?
En ce qui concerne une (nouvelle) émigration juive vers le Birobidjan, je n’y
crois pas. Il est vrai que de nombreux juifs russes émigrent en Russie à partir
d’Israël, mais ces juifs n’ont pas l’intention de créer un clone de l’Etat juif
en Extrême-Orient. A ce que j’en sais, ils s’installent dans nombre de villes
russes de province, ainsi que dans les deux métropoles de la Russie, Moscou et
Saint-Pétersbourg. Ce sont des gens très déterminés à travailler et à s’intégrer.
Beaucoup d’entre eux ont connu des temps très durs en Israël, où ils ont fini
par comprendre que le discours selon lequel les juifs seraient tellement à part,
tellement différents, ne tient pas la route. Donc, aujourd’hui, ces juifs russes
rentrent en Russie et ils s’installent majoritairement dans les villes où ils
avaient vécu avant d’émigrer en Israël et, globalement, leur situation
s’améliore (sauf, pour certains d’entre eux, à Moscou, une métropole gigantesque
où la vie est extrêmement chère). Je ne peux donc imaginer un seul instant que
ces juifs qui reviennent vivre en Russie auraient un intérêt quelconque à créer
un Etat juif (ou plutôt un mini-Etat) au Birobidjan… Le Birobidjan aurait à la
rigueur eu une raison d’être à l’époque de sa création, mais ça n’est absolument
plus le cas, aujourd’hui. A propos de votre question sur l’industrie et
l’immigration, je dois dire, hélas, que l’industrie russe continuer à décliner.
Mais non pas à cause du taux de natalité très bas et du taux de mortalité très
important en Russie ; depuis 1991, la Russie connaît une désindustrialisation
constante. C’est un phénomène massif : des millions de personnes travaillaient
dans l’industrie et aimaient leur travail. Or, ce que ces travailleurs
fabriquaient a été jugé inutile, en 1991, par les néoconservateurs arrivés au
pouvoir en Russie. Depuis lors, la majorité de leurs productions ont été
supplantées par des produits importés, de Chine ou d’ailleurs. Donc, l’industrie
russe continue à chuter et elle ne manifeste aucun signe de reprise. Il n’est
donc pas question, en Russie, d’immigration rendue nécessaire par les besoins en
main-d’œuvre d’une industrie aujourd’hui en plein marasme. Mais beaucoup de gens
migrent, en Russie, en particulier à partir des régions orientales : il s’agit
d’une migration interne. On ne peut parler à ce propos d’immigration (si vous
aviez beaucoup d’arrivées de Corses, à Paris, vous ne parleriez pas non plus
d’immigration… en tous les cas, pas aujourd’hui, deux siècles après Napoléon…).
Mais, pour les Russes, cela ne passe pas inaperçu ; il s’agit notamment de la
migration de citoyens russes qui quittent le Nord du Caucase (c’est là également,
encore une fois, quelque chose de douloureux).
Quid du Parti communiste, en Russie ? Connaît-il
une renaissance ?
Le Parti communiste est toujours le parti politique le plus important en Russie
(le plus important parti politique digne de ce nom, je veux dire…). Mon opinion
peut être accusée de parti-pris en faveur du Parti communiste… Mais un
journaliste russe très connu, M. Vitaly Tretiakov, qui fut rédacteur-en-chef de
la Nezavissimaïa Gazeta (laquelle fut le quotidien le plus important de Russie
des années durant) et qui est un des publicistes en vue en Russie actuellement,
a donné une conférence, récemment, à Washington, que j’ai écoutée. J’ai été
estomaqué lorsqu’il a dit, à propos du régime russe, que si Poutine cessait
d’intervenir comme il le fait dans la vie politique russe, le Parti communiste
serait en mesure de remporter les élections. Etonnant, de la part d’un
anticommuniste comme l’est ce M. Tretiakov… Par conséquent, oui, l’idée
communiste peut encore s’imposer en Russie et les gens au pouvoir dans ce pays
le reconnaissent d’ailleurs ouvertement ; c’est d’ailleurs la raison pour
laquelle ils s’efforcent de briser le mouvement communiste au moyen de multiples
lois et en répandant des mensonges infamants sur leur compte. La direction
communiste russe, de nos jours, est extrêmement modérée (bien trop modérée, à
notre goût…) : cela est également problématique. La situation étant celle-là, la
présence communiste n’est pas quelque chose qui se serait matérialisé jusqu’ici.
Les communistes ont véritablement été brisés en 1993, et même déjà en 1991, cela
fait donc aujourd’hui vingt ans, et ils n’ont pas réussi à recouvrer leur
autorité et leur pouvoir, quand bien même ceux-ci sont réels, car ils sont
intégrés au gouvernement. Il faut savoir que les communistes russes sont très
différents, très éloignés, de leurs homologues occidentaux. Il existe un
véritable schisme entre le communisme occidental et le communisme oriental. Cela
a pour effet que le communisme russe est aujourd’hui très isolé ; il est très
mal compris en Occident, où les mouvements communistes sont devenus extrêmement
faibles, en l’absence de l’URSS. Mais même ces communistes occidentaux désormais
particulièrement affaiblis n’ont pas trouvé le moyen de communiquer avec les
communistes russes…
Pour en revenir à l’Occident, quid de Julien
Assange et de son travail d’information, avec WikiLeaks ? Pensez-vous qu’il ait
réussi à introduire un changement dans nos modes d’information ? Que pensez-vous,
un an après, de ce coup de théâtre médiatique ?
Il est très difficile de répondre à cette question. L’ordre informationnel
régnant en Occident est bien trop établi pour avoir été réellement ébranlé par
la révélation de ces indiscrétions. Bien sûr, il est important de connaître
aujourd’hui avec certitude les menées répugnantes des Américains par le passé.
Donc, oui, c’est sûr, ces révélations ont ajouté quelque chose à notre
compréhension du monde. Par ailleurs, je dois mentionner qu’il y a eu beaucoup
de déconvenues, dans toute cette histoire. Notamment le fait que les grands
quotidiens (The Guardian, The New York Times) ont réussi à tuer dans l’œuf
l’effet détonnant de ces révélations en réussissant à s’en faire les vecteurs
uniques, et ils ont bien évidemment totalement falsifié le message. L’autre
déception, c’est le fait que la révélation des télégrammes secrets du Pentagone
n’a eu aucune conséquence réelle. Il faut le reconnaître, il faut le dire.
Assange a été trop occupé, à mon avis, par le procès qui lui a été intenté (ce
que je peux comprendre ; je sais que tout être humain est vulnérable, face à la
« justice »), si bien que le flot des révélations a fini par se tarir.
Passons à la désinformation, après l’élimination
de Ben Laden. Pouvez-vous nous parler des nouvelles stratégies de désinformation
adoptées par les officines de la propagande occidentale (il y avait bien eu
maintes annonces de la mort de Ben Laden avant cela, non ?).
Oui ; en effet, dans cette histoire, beaucoup d’éléments ne collent pas. Je vous
donne un exemple : aujourd’hui, à Kiev, on peut voir un film pour la télévision
très intéressant tourné en Argentine et au Chili, dans lequel on montre un
endroit où Adolf Hitler est supposé avoir vécu jusqu’en… 1964 (!). Des photos
nous le montrent, dans ces lieux, en Argentine. A tout instant, de nouvelles
informations peuvent ainsi venir remettre en cause notre perception de
l’Histoire. Hitler a-t-il pu survivre et s’enfuir en Argentine grâce à un de ses
célèbres U-Boat ? Difficile à croire, mais néanmoins possible. Cela semble à
priori très éloigné de ce que l’on est prêt à admettre, mais à la réflexion, ça
ne l’est pas tant que cela. Mais cela change peu de choses quant à notre
perception de l'histoire. Il en va de même en ce qui concerne Ben Laden.
Celui-ci a-t-il été tué en 2001, ou en 2011 ? Est-il encore en vie, quelque
part ? Pourquoi pas aux Seychelles, ou dans quelque autre villégiature de la
CIA ? C’est certes intéressant, mais ça n’est pas fondamental. Ce que nous
constatons, depuis pas mal d’années, c’est le fait que les mujahidîn de Ben
Laden étaient, et restent encore aujourd’hui, des soutiens pour l’impérialisme
américain : ce sont des alliés des Américains, ce sont des alliés d’Israël. Ce
qu’ils font, essentiellement, consiste à assassiner des Chiites. Aujourd’hui,
ils sont très actifs contre Kadhafi. Ben Laden a-t-il été un agent des
Américains, ou bien a-t-il réussi à utiliser ces derniers ? Cela, nous ne le
savons pas encore avec certitude. Ce que je constate, personnellement, c’est que
Ben Laden et ce qu'il représente se sont mis au service des plans hégémoniques
des Etats-Unis et d’Israël. Ils ne s’en sont jamais pris à Israël et ils ne s’en
sont que très rarement pris aux intérêts américains. Pour moi, Ben Laden, mort
ou vif, n’a pas l’importance qu’on lui accorde généralement. Chose curieuse :
vingt-deux, sur les vingt-trois Marines qui ont pourchassé Ben Laden au Pakistan
ont été tués. Quant au vingt-troisième, on ne sait pas au juste quel rôle il a
bien pu jouer. Manifestement, quelqu’un a voulu étouffer ce qu’il s’est passé à
Abot Abad. Nous finirons bien par l’apprendre, un jour… Mais : quand ??
Et les événements du 11 septembre 2001 ? Vous
pensez que les gens ont compris tout ce qui là-dedans relevait d'un montage
hollywoodien?
Des gens travaillent, comme par exemple Thierry Meyssan, à établir la vérité sur
ce qu’il s’est passé le 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Mais les
choses resteront en l’état tant que nous n’obtiendront pas des informations de
la part de gens qui ont effectivement participé aux attentats, car ces gens
seront en mesure de nous livrer davantage que de simples théories.
Bien. Revenons au champ diplomatique. Les
opposants à l’intervention de l’Otan contre la Libye semblent puissants, en
Russie. Où en sont les Comités de solidarité avec la Libye ? Leur combat est-il
populaire, en Russie ?
Oui, tout à fait. Les sondages montrent que 72 % des Russes soutiennent
activement le colonel Kadhafi. A mon avis, c’est là un très bon résultat. Vous
savez, après de si nombreuses années de diabolisation, Kadhafi est probablement
le dirigeant le plus populaire aux yeux des Russes (tout au moins). Depuis
longtemps, pour les Russes, c’est une question importante : Kadhafi pourra-t-il
survivre à l’agression militaire de l’Otan ? Vous savez, partout dans le monde,
les gens au pouvoir sont très pragmatiques. Les dirigeants russes ont eux aussi
eu le sentiment, pendant un temps, que Kadhafi était cuit. Ainsi, au cas où il
ne survivrait pas, prenons langue avec les forces émergentes, comme l’équipe de
Benghazi… Mais il semble maintenant que Kadhafi, qui est un homme à la volonté
extraordinairement forte, réussit à résister à l’offensive de l’Otan. Le peuple
russe le soutient et les hommes politiques du clan Poutine le soutiennent
également. Mais ils ne veulent pas aller trop loin, parce que l’Europe est très
importante, pour la Russie, en tant que partenaire géopolitique. Le principal
objectif, pour les Russes, c’est de briser le lien entre les Etats-Unis et
l’Europe occidentale. S’il est une chose qui importe aux yeux des Russes, c’est
bien d’avoir de très bonnes relations avec la France et avec l’Allemagne, et de
faire en sorte que les Etats-Unis se retrouvent tenus à l’écart, très loin.
C’est là, disons, un succès virtuel pour les Russes. Ils sont très
antiaméricains, et ils sont très modérément antieuropéens. Ainsi, ils envisagent
leurs rapports avec les pays du Maghreb à la lumière des conséquences qu’ils
sont susceptibles d’avoir, en particulier pour la France. Aux yeux des Russes,
la France reste plus importante que la Libye. Un échec de la France (en Libye)
est susceptible d’amener à une France différente de celle de Sarkozy et de
Bernard-Henry Lévy. Cette France sera différente ; elle sera nouvelle, elle sera
plus amicale pour la Russie, sans que cela cause un nouveau conflit dans le
Maghreb…
In-shâ’Allah… Vous semblez redouter que le Parti
socialiste français ne soit pas mieux que Sarkozy ?
Absolument, absolument… Comme partout, le choix consistera en un non-choix.
C’est ce qu’Ahmadinejad a dit, voici de cela quelques jours, lors d’une
interview accordée à la chaîne télévisée Euronews. Il a dit : « Vous parlez de
démocratie… Quel genre de démocratie avons-nous aujourd’hui, dans le monde ? De
fait, il n’y a pas de différence marquante entre les partis politique ». C’est
exact. Nous le savons ; c’est effectivement la réalité »…
Et la Turquie, ce pays très important
susceptible de jouer un rôle entre l’Islam et la chrétienté. Comment voyez-vous
ses évolutions récentes ?
En effet, je suis de près l’évolution de la Turquie. Je pense qu’il est très
positif que le parti islamique AKP ait accédé démocratiquement au pouvoir et
qu’il ait réussi à renforcer sa position, y compris une fois au pouvoir. Je suis
très satisfait de la position du gouvernement turc sur la Palestine et sur
Israël, ainsi que de ses bonnes relations avec l’Iran. La Turquie est en effet à
mes yeux un pays très important…
… bien qu’elle appartienne toujours à l’Otan ?
… oui, certes, la Turquie est toujours membre de l’Otan, mais c’est sans doute
trop compliqué, pour elle, d’en sortir, en particulier en des temps où la
France, elle, s’y réintègre… Mais l’on peut considérer que la Turquie joue un
rôle positif à l’intérieur de cette organisation, à l’instar d’ailleurs de la
Grèce (mais, à l’évidence, la Turquie est beaucoup plus importante,
stratégiquement, que cette dernière). Bien entendu, on pourrait souhaiter que la
Turquie soit encore plus audacieuse…, mais il faut comprendre que la force de la
Turquie, même s’il s’agit d’un grand pays, avec ses près de cent millions
d’habitants et son économie puissante et florissante, n’est pas encore
suffisamment développée, suffisamment efficiente pour pouvoir s’opposer seule (à
l’impérialisme).Il serait éminemment souhaitable qu’elle renforce ses relations
avec la Russie, avec l’Iran et avec la Chine, afin que ces pays construisent
ensemble un nouvel avenir. Mais c’est là encore un objectif lointain : nous n’en
sommes pas encore là aujourd’hui. Bien sûr, la Turquie a un problème important,
aujourd’hui, avec la Syrie, à ses portes ; et c’est là un problème grave et
difficile à solutionner…
Vous avez acquis une grande importance en
Occident après avoir abandonné le judaïsme et vous être converti au
christianisme. Vous avez déclenché un processus très important. Pensez-vous que
nous ayons touché le fond de la déchristianisation ? Pensez-vous que les choses
sont en train de changer dans le bon sens, de ce point de vue, en Occident ?
Je pense que les graves événements qui se sont produits en Norvège sont une
conséquence de la déchristianisation. J’ai consacré beaucoup de temps à lire ce
qu’a écrit copié collé le terroriste ; le plus important, dans ses écrits, c’est
le fait qu’il voulait édifier le troisième temple juif pour en faire une sorte
de lieu d’adoration symbolique à Jérusalem. Il s’agit donc essentiellement d’un
antichrétien. Dans la chrétienté orthodoxe, il est tout à fait évident que
quelqu’un qui veut reconstruire pour la deuxième fois le temple juif ne peut
qu’être un suppôt de l’antéchrist. Il est particulièrement éclairant de
constater que le terroriste norvégien est un suppôt de l’antéchrist. Bien sûr,
il est terrible qu’il faille de tels crimes pour mettre en évidence la
déchristianisation. En Russie, à l’évidence, la situation est bien meilleure, de
ce point de vue, même si le ré-enchantement des Russes pour l’Eglise orthodoxe
renaissante est désormais un peu dépassé, nous assistons à une nouvelle
réévaluation. En Russie, les communistes voient d’un très bon œil l’Eglise
orthodoxe. Je n’irais pas jusqu’à affirmer qu’ils sont pratiquants, mais…
En France on en est loin... A propos du massacre
du vendredi 22 juillet (2011) en Norvège, votre ami philosophe Marek Glogosowski
a écrit que « l’anaconda sioniste est en train d’étrangler les gens à l’esprit
libre » ? C’est terrible, n’est-ce pas ??
Oui, bien sûr. Mais je pense que la crise économique que nous connaissons est en
train de tuer ce fameux « anaconda » ; les gens commencent à reconnaître le
pouvoir de ces ultra-riches qui ne leur laissent pratiquement pas de quoi
survivre. De ce point de vue, je pense vraiment que le pouvoir des Mammonites
prendra bientôt fin. Il est difficile de prédire quand cela se produira, et de
quelle manière, mais toutes les économies sont tellement liées au dollar que
nous verrons si l’effondrement de cette devise, qui semble désormais imminent,
changera l’état des choses ou non. La spiritualité a elle aussi besoin d’un
espace pour se manifester. En Russie, elle s’est développée après l’effondrement
de l’idéologie communiste. De la même manière, il est possible que les peuples
de l’Europe occidentale adoptent eux aussi le Christ après avoir été
dé-mammonisés. L’effondrement du dollar permettra peut-être une renaissance du
christianisme…
Vous n'excluez pas une situation révolutionnaire,
même si la classe ouvrière et les héros de la classe ouvrière ne sont guère
visibles... Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de la domination
sioniste, toujours aussi pesante. Vous avez expliqué que le discours
holocaustique vise à faire en sorte que les juifs continuent à être des
serviteurs obéissants d’autres juifs autrement plus puissants. Cela
signifie-t-il que les pires ennemis des juifs pourraient bien être des juifs
appartenant à une certaine élite ? Comment décrivez-vous ce phénomène, comment
l’expliquez-vous ? Pensez-vous que ce soit là le principal problème auquel sont
confrontées les personnes d’origine et/ou de culture juives ?
Vous savez, certaines personnes d’origine juive ont un comportement tellement
horrible que je ne pense pas qu’elles se comporteraient mieux si elles coupaient
leurs liens avec leur communauté… Pour vous l’expliquer, je vais prendre
l’exemple des pays du tiers-monde : dans tous ces pays, il y a des communautés
qui soutiennent l’impérialisme. Nous le constatons, par exemple, en Palestine,
dans le petit village ancien d’Abu Ghosh, situé non loin de Jérusalem. La
population de ce village soutient toujours le vainqueur, contre tous les autres.
Elle a soutenu les Turcs contre les Palestiniens, à l’époque de l’Empire
ottoman, elle a soutenu les Britanniques, sous le mandat, puis les juifs, et,
aujourd’hui, elle soutient les Israéliens. Il a de tout temps existé des groupes
tels que cette population d’Abu Ghosh, des gens qui décident de soutenir en
permanence les puissants, les gens au pouvoir. En Afrique de l’Est, les Masaï
ont toujours fortement soutenu la domination coloniale britannique. Au Maghreb,
certains Touaregs soutenaient le colonialisme français. D’une certaine manière,
les juifs sont eux aussi un de ces groupes marginaux qui, historiquement,
soutiennent l’impérialisme. Non que les juifs n’aient eu une position qui leur
fût propre. Mais, très souvent, ils ont soutenu le pouvoir en place. Il faut
garder à l’esprit cette propension des juifs à seconder les pouvoirs en place,
qui peuvent offrir richesse et pouvoir. En Russie, les juifs ont perdu peu à peu
leur connexion avec l’univers juif (en URSS, les employés de banque juif avaient
des postes d’exécution, sans prestige et sans influence). Leur assimilation à la
société russe est-elle en train de se poursuivre ? Il est trop tôt pour le dire.
Que doit-on faire pour les gens ordinaires, qui sont généralement fortement
influencés par la propagande holocaustique ? Comment préserver les gens de cette
propagande qui est une marque de colonisation ?
Il est terrible de constater que cette propagande continue de plus belle ; elle
touche aujourd’hui y compris l’Europe de l’Est. Il y a eu une visite remarquée
de grands-prêtres américains du culte holocaustique à Moscou. Ils ont été très
bien reçus ; ils se sont déclarés très satisfaits de leur visite. Ils vont
construire un musée de l’holocauste également à Moscou (aux Etats-Unis, chacun
des Etats a le sien ; en revanche, il n’y en avait aucun en Russie). Mais les
Russes sont mécontents. Ils ont tellement souffert de la Seconde guerre mondiale
qu’ils n’ont aucune envie d’y repenser et ils trouvent scandaleux que les juifs
veuillent privatiser cette tragédie. A mon avis, il n’y a aucun avantage à se la
remémorer… La meilleure chose que l’on puisse faire, à son sujet, c’est
l’oublier. Je le dis et je le répète dans tous les pays où cela est permis. Mais,
comme vous le savez, formuler cette opinion en Allemagne peut vous valoir la
prison. J'ai toujours été très prudent, ce qui est interdit c'est de saper les
bases factuelles du dogme, et l’aspect factuel du révisionnisme historique de
l’holocauste ne m’intéresse pas particulièrement. Mais aujourd’hui, si vous ne
participez pas à leurs commémorations, vous êtes soupçonné de ne pas être tout à
fait de leur côté ; c’est là quelque chose qui devient grave. Oui, je suis
d’accord avec vous : il faut, en effet, mettre un terme à cette propagande. Non
pas parce qu’elle serait basée sur quelque chose de faux. Mais bien parce que
les actions menées à ce sujet devraient être radicalement différentes.
Vous êtes toujours aussi courageux! Pensez-vous
que le lobby sioniste ait passé un accord secret avec certains think-tanks
chinois en Californie, pour se débarrasser d'Obama ? Si tel est le cas,
devons-nous redouter un « impérialisme oriental » ?
Je ne sais pas ; je ne sais pas… Malgré toute ma sympathie pour Obama, dont je
reconnais les bonnes paroles, celui-ci n’a pas encore réussi à tenir la moindre
de ses promesses. Il se dit contre la guerre en Syrie, contre la guerre en Libye,
contre la guerre en Irak, mais la guerre se poursuit. Je pense que la déception,
à propos d’Obama, est générale. Telle est la situation actuelle…
Merci. Avant de terminer, pouvez-vous nous
donner un conseil, à nous autres Français : que devons-nous faire, qu’est-ce qui
est le plus urgent, parmi les multiples actions que nous devons impérativement
mener ?
A mon avis, la chose la plus urgente et importante, c’est de construire une
nouvelle pensée politique échappant à la domination des deux frères ennemis que
sont les socialistes et les néogaullistes. Quelle orientation la France
va-t-elle prendre ? Il est très difficile de le prédire. L’esprit gaullien
d’indépendance de la France reste une grande idée, qu’il est encore possible de
remettre à l’ordre du jour. Parmi les choses préoccupantes en France, je vois
l’évolution de l’extrême-droite vers un soutien de plus en plus affirmé à Israël.
Cela risque (comme en Norvège) de créer des monstres : les tenants de
l’extrême-droite peuvent devenir de véritables judéo-fascistes. Tant qu'ils
résistent à l'esprit judaïque, ils gardent leur âme chrétienne. Très important
aussi : la France doit arrêter sa guerre en Libye. Seuls les Français peuvent
obtenir qu’elle cesse ; ce ne sont ni les Libyens, ni les Britanniques, ni les
Russes qui peuvent l’obtenir.
La Libye est très importante car, à son sujet,
l’extrême-droite et l’extrême-gauche partagent une même analyse ; les
anticolonialistes traditionnels et l’extrême-droite qui pense que la France doit
veiller à ses intérêts propres se retrouvent, à ce sujet, n’est-ce pas ?
Oui. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez général. Dès lors qu’elles ne sont
ni l’une ni l’autre pro-sioniste, l’extrême-droite et l’extrême-gauche ont
beaucoup de choses en commun. C’est ce que nous souhaitons voir : que les deux
composantes les plus dynamiques de la société unissent leurs efforts. A ce sujet,
la Libye est très importante. Il y a actuellement à Moscou (où je me trouve) une
importante exposition de photos consacrée à la Libye. Beaucoup de groupes se
rendent en Libye ; il y a un sentiment de solidarité avec les Libyens et de
soutien au combat de la Libye. C’est très important, surtout en ce qui concerne
les Russes, qui aiment les peuples capables de se battre ; c’est ainsi que les
Russes ont soutenu les Vietnamiens qui luttaient pour conquérir leur
indépendance. Les Russes ont été choqués et déçus par l’effondrement de l’armée
irakienne, durant l’intervention américaine. Cette défaite a été si totale que
les Russes avaient perdu toute considération pour les Arabes. Ils pensaient que
Kadhafi s’effondrerait lui aussi au bout de seulement quelques semaines. Mais,
comme ils le voient tenir bon et combattre, il monte dans leur estime, et cette
estime ne s’adresse pas qu’à la personne de Kadhafi, mais à l’ensemble du monde
arabe.
|