Le printemps français
par Israël Adam Shamir et Maria Poumier
le 17 avril 2013
Cette année, le printemps est bizarrement froid et pluvieux,
après un hiver long et glacial, en France. C'est seulement dimanche dernier que
le soleil est parvenu à repousser les nuages. Brusquement, la température est
remontée, les arbres ont changé de couleur. Les Français se sont sentis soutenus
par la nature après une longue morosité, et les voilà qui manifestent contre la
politique de leur gouvernement outrageusement socialiste, style Tony Blair, bien
sûr. Le bouquet, c'est l'effort désespéré du gouvernement pour faire adopter sa
loi sur le mariage homo et ce qui s'en suit en matière de filiation, malgré le
rejet populaire de la chose. La police, avec sa brutalité coutumière, a sorti
les matraques, les gaz lacrymogènes, et a arrêté une soixantaine de manifestants
après la manif monstre du 24 mars. Et les journaux parlent maintenant de
Printemps français, dans la foulée du printemps arabe.

Le président Hollande est franchement honni; depuis 1981, c'est
à dire depuis que les sondages rendent compte de la popularité des présidents,
on n'avait jamais connu pire impopularité. Et cela pour une bonne raison: son
parti socialiste poursuit la même politique néo-libérale que le gouvernement
précédent, cette fois-ci avec l'assentiment des syndicats domestiqués. La
méchante sorcière de l'Ouest du Pays d'Oz est morte, mais son esprit s'accroche.
Les ministres ont des comptes en banque dans des paradis offshore, alors qu'ils
avaient juré le contraire; le nouveau "Pacte pour l'emploi" permettra aux
patrons d'allonger le temps de travail, de réduire les salaires au minimum, et
de pousser à la "mobilité" en envoyant les salariés dans des coins impossibles;
s'ils renâclent, ce sera la porte, sans indemnisation. Les allocations
familiales rétrécissent, les pensions de retraite stagnent, et ne seront plus
indexées sur l'inflation, le tout alors que les familles ouvrières ont des fins
de mois impossibles. La France, comme nous tous, s'est fait dépouiller par les
banquiers, et c'est aux travailleurs de payer les factures.
Voilà comment on en vient à considérer le mariage homo et les
assauts contre la filiation naturelle comme faisant partie du paquet des
attaques néo-libérales contre les familles, et c'est ainsi que la résistance
contre la nouvelle loi a fait l'unité dans la France des travailleurs. "Qu'ils
soient tous obsédés par les homo, et qu'ils ne parlent surtout pas de l'emploi",
telle était la logique du gouvernement en mettant le mariage homo sur le tapis.
Mais la ruse n'a pas marché: le 24 mars, les manifestants portaient aussi des
pancartes contre la politique économique.
Plusieurs grilles du jardin du Luxembourg, au cœur de Paris,
sont condamnées, maintenant, et les autres sont gardées par la police
anti-émeutes, parce que c'est là que siège le Sénat. La loi devait être
entérinée par les sénateurs, et la résistance a planté ses tentes en face,
pendant les débats; l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, primat des Gaules et
second dans la hiérarchie française, est la star. Ce qui n'a pas empêché le
Sénat de voter le projet par deux voix d'écart, provenant de déserteurs du parti
gaulliste représentant les Français de l'étranger. Maintenant les tentes ont
refleuri devant l'Assemblée nationale, et la police s'attend à de nouveaux
heurts d'ici le 23 avril, date imposée par le gouvernement pour précipiter le
dénouement.
Le parti socialiste et ses alliés, les communistes mous et les
verts pâle, y tiennent, à leur loi impopulaire. Ils sont plus attachés à leurs
sponsors, les riches gays qui vont pouvoir s'acheter des gosses ou en passer
commande à des mères de location, aux frais de l'État, qu'au bien des familles
françaises normales, qui ont du mal à nourrir leurs propres enfants, disent les
opposants. De fait, la gauche a ici une solide tradition anti-cléricale: les
socialistes d'avant-guerre ont été pires que Staline avec l'église nationale.
C'est la même rancune qui les anime encore aujourd'hui, et qui les fait se
mobiliser contre les familles ouvrières. L'Église, de son côté, a compris la
leçon, depuis lors, et elle soutient la cause du peuple; mais elle n'est pas
seule.
La manifestation géante du 24 mars a rassemblé plus d'un million
de personnes. La police a prétendu qu'ils n'étaient que 300 000. Comme pour la
répression contre le mouvement américain des Indignés "Occupy Wall Street", la
police a fourni des photos truquées. Sur le
site "C'est pas normal", on
peut constater les retouches: pour que les images correspondent à ses chiffres,
elle a fait gommer, non seulement des centaines de milliers de manifestants,
mais aussi le marquage au sol et les arbres de l'Avenue de la Grande Armée, qui
débouche sur l'Arc de Triomphe!
Les Français sont furieux. Traditionnellement, il n'y a pas plus
tolérant pour tous les penchants sexuels, mais ils ont raison de ne pas voir
là-dedans la moindre "bataille pour les droits des homosexuels". Pour eux, c'est
juste une attaque frontale contre les valeurs familiales, une nouvelle étape
vers le "Meilleur des Mondes" où les bébés seront fabriqués en usine, où le
capitalisme inhumain fait de tout don de la nature l'objet d'un trafic, et où
les gens du commun se voient privés de tout: de travail sûr, de respect, de
famille, de logement, et au final, de leurs enfants.
Les chauds partisans de la loi, quant à eux, font avancer le
projet standard de la douce gauche anti-stalinenne qui consiste à se soucier du
bonheur de tout le monde, gays, lesbiennes, juifs, immigrants, de tout sauf de
la majorité qui travaille et qui se voit traitée de ramassis de bigots,
homophobes et antisémites.
En fait ils ont essayé d'agir comme les gens qui défendent
Israël, qui n'oublient jamais d'étayer leurs positions intenables en hurlant à
l'antisémitisme, et ils brandissent contre les résistants l'homophobie. Ils ont
glapi qu'un gay avait été malmené quelque part, et que les manifestants étaient
coupables d'incitation à la haine. Mais il y a une mouvance consistante et bien
relayée de "plus gay sans mariage" (voir http://www.homovox.com).
Et ils se battent contre la loi avec les autres Français.
La nouvelle mascotte du gouvernement devait être la Guyanaise et
Garde des sceaux Christiane Taubira, qui défend férocement la loi. Mais elle n'a
pas réussi du tout à entraîner les communautés immigrées derrière elle. "Elle
est devenue folle", disent les Antillais, car c'était une honnête bagarreuse
pour la défense des humbles avant de sauter dans le train aux rouages bien
graissés des homo-droits. Tandis que la manifestation de janvier était une
affaire franco-française, dans celle de mars, des milliers de musulmans étaient
là. Même s'ils étaient minoritaires, ils se sont déplacés, depuis Rennes, Lille,
Lyon, Marseille, Montreuil, Saint-Denis, Aubervilliers ou Mantes, selon
Le Figaro. Une jeune
musulmane née en France, immigrée de deuxième génération, a manifesté en disant
qu'elle "ne s'était jamais sentie aussi française que ce jour-là". De nombreuses
associations musulmanes ont rejoint le mouvement: Enfants de France, Union des
Organisations Islamiques de Saint-Denis; même chose avec les associations
correspondantes en Yvelines, à Versailles, à Rennes, à Lille et d'autres encore,
officiellement présentes, ratifie Le Figaro.
Les défenseurs de la loi ne sont pas ceux qui vont bénéficier de
la nouvelle loi. Les homos ne vont pas se précipiter, car depuis plus de dix
ans, ils ont le PACS qui fait l'affaire de tous, et ouvre les mêmes droits que
le mariage légal. Seuls 0,6% des couples français enregistrés sont homosexuels.
Même les couples hétéro se marient bien moins de nos jours, parce que c'est cher
et compliqué de divorcer. Les homo-libertins avec leurs mignonnes cours ne vont
pas se jeter sur la chose, selon toute vraisemblance. Les associations les plus
en vue sont
maigrelettes , ACt-Up ne fait
que 150 adhérents, et LGBT, 1300 membres.
Le sexe entre homos est tout à fait accepté en France, mais
c'est plutôt à titre de divertissement ou dans la cachotterie buissonnière; on
prend cela bien moins au sérieux que dans d'autres pays occidentaux.
Personnellement [dixit Israël Adam Shamir], j'aurais tendance à expliquer le
phénomène par le charme légendaire des Françaises. Elles sont implacables,
imparables. Le grand écrivain voyageur écossais William Dalrymple a attribué
l'homosexualité générale parmi les Turcs au faible attrait de leurs femmes
trapues et moustachues. Les Anglais, fort réputés aussi, peuvent invoquer
Margaret Thatcher comme excuse, si les "Tantes qui ne sont pas des gentelmen"
du roman de P. G. Wodehouse ne suffisent pas. Les dames américaines se sont
retrouvées dégendérisées (en français classique: dé-générées) par leur
révolution féministe, et vous font un procès pour harcèlement, à la moindre
tentative de flirt. Les Françaises seraient-elles devenues moins exquises? Non
et non, à Dieu ne plaise!
Quoi qu'il en soit, la nouvelle loi de laissera pas de profiter
à d'aucuns: les jeunes immigrants qui ont besoin d'un titre de séjour. Jusqu'à
maintenant, il leur fallait trouver une Française volontaire pour faire un
mariage blanc, estimé à 5000 euros, et pouvant coûter jusqu'à 20 000 euros.
Maintenant ils vont pouvoir "épouser" des Français, et espèrent bien que le
tarif va baisser. Les homos gaulois n'ont pas particulièrement envie de se
marier entre eux, mais ils comptent bien pouvoir plus facilement importer du
gibier jeune de Tanger, l'homo-capitale d'Afrique du Nord, en tant que légitimes
épouses.
Les agences d'adoption se frottent les mains aussi. Chaque
enfant adopté leur rapporte des dizaines de milliers de dollars, et ils vont
voir affluer les clients, puisque la loi prévoit explicitement que les couples
homo puissent en adopter. Les bonnes guerres du Moyen Orient, comme aujourd'hui
en Syrie, la guerre civile vivement encouragée par la France, sont des viviers
d'orphelins désirables. Pas forcément orphelins, d'ailleurs: on a eu un
formidable scandale étouffé par la famille Sarkozy lorsque les agences
importaient gaiment des enfants du Darfour dévasté. Les enfants avaient été
volés ou achetés à leurs parents. Il est hautement probable que certains aient
fini dans les cliniques spécialisés dans la greffe d'organes.
La nouvelle loi va enchanter les intermédiaires qui écument les
anciennes colonies et les pays pauvres du Tiers-monde à la recherche d'utérus à
louer; les tribunaux les encouragent, puisqu'ils forcent les femmes à donner
leurs nouveau-nés, qu'elles en aient envie ou non, sous prétexte de contrat
commercial à respecter. Eh oui, les nouvelles lois néo-libérales ont rétabli
l'esclavage à sa place parfaitement légale de jadis. Et avec l'essor des greffes
d'organes, un néo-cannibalisme est en train de s'instaurer légalement aussi.
La gauche accepte gaiement tout cela. Les trotskistes one
exprimé leur soutien au nom de "l'entière propriété de la femme sur son corps,
au nom de laquelle elles devraient être libres d'avorter, de se prostituer ou de
se louer" à tout bout de champ. Si l'on s'en tient à cette acception de la
liberté, il n'y a guère à hésiter, entre trotskistes et disciples de Milton
Friedman. Normal, ce n'est pas la peine de choisir, la droite et la gauche ont
trahi leurs électeurs dans un même élan.
L'Europe va très mal. Cette année, j'ai surfé sur les vagues
printanières en traversant plusieurs bourgs et villages de France, d'Italie et
d'Espagne; le vieux continent se meurt. Les maisonnettes sont vides, volets
clos; seuls les touristes et les immigrants prospèrent. Les grandes villes sont
surpeuplées, le reste est mort, comme si la sinistre prophétie d'Ilya Ehrenbourg
(détaillée dans son roman des années 1920 Le Trust) qui annonçait que les
gros profits dévasteraient l'Europe, se vérifiait. La bonne vieille Europe a été
détruite par la connivence entre politiques de gauche et de droite. La Thatcher
et ses pairs dans chaque pays d'Europe ont éliminé la classe ouvrière, rasé
l'industrie et vidé l'éducation de contenu; ils ont siphonné les économies des
pauvres dans la poche des riches, puis Blair est arrivé avec ses comparses dans
chaque pays, et ce sont eux qui ont fini la besogne, en détruisant la famille et
implantant des caméras de surveillance dans tous les coins. La droite a créé
l'endettement, la gauche est arrivée pour faire la moisson et payer les
banquiers.
Maintenant en France la gauche est en train de perdre les
derniers vestiges de sa gloire passée en apportant son renfort à la loi
néo-libérale en faveur de l'adoption par les homos, qui est révoltante pour le
peuple, encore plus que le mariage sodomiste. Deux droits entrent en conflit,
celui des homos à s'entre-épouser, et celui des enfants à vivre avec leurs vrais
père et mère. En donnant la préférence aux "droits" des uns contre ceux des
enfants et de leurs parents, la gauche creuse sa tombe politique.
Staline et Thatcher
La gauche a commencé à glisser sur cette pente avec la
dé-stalinisation. Il faut le dire clairement: Staline était un rustre et un dur,
qui a su faire face à Hitler, Churchill et Truman; il gouvernait en des temps
difficiles, et on ne saurait le prendre pour modèle dans le cadre d'une
politique moderne. Pourtant, lui et son parti stalinien, avaient le souci des
travailleurs. De son temps, le salaire d'un ouvrier qualifié était à égalité
avec celui d'un professeur; les media appartenaient à l'État des ouvriers et
paysans; les travailleurs avaient droit aux congés payés entièrement gratuits au
bord de la mer; les enfants avaient de magnifiques colonies de vacances, et
recevaient une éducation sans frais. On ne connaissait pas le chômage. Le
loyer, le chauffage, l'électricité et le téléphone, tout était gratuit.
L'avortement était puni par la loi, les familles consolidées. Staline avait même
restauré l'autorité de l'Église, après les excès de la période trotskiste.
Les génies de la finance, les charlatans avorteurs, les
militants gais et les dirigeants sionistes (y compris feu mon père) étaient
libres de se décrire les uns les autres comme des persécutés, selon la logique
du
pinkwashing dans d'aimables
camps de travail de la Sibérie hospitalière. Ce n'est pas par hasard si le
souvenir de Staline revient en force dans sa chère Russie, son nom est le cri de
ralliement contre le néo-libéralisme. Le peuple, dans les villes dévastées et
sinistrées par les réformes néo-libérales, rêve de fusiller toute la racaille
dorée qui hante les paradis fiscaux, à la mode stalinienne, sans concession.
Staline était aussi intraitable avec la bourgeoisie que Thatcher
avec les ouvriers. Si Forbes, le magazine en tête de liste pour les
riches disait: "nous avons désespérément besoin de nombreux dirigeants de sa
trempe, et si The Economist, l'organe des banquiers britanniques a osé
dire: "ce qui manque dans le monde maintenant, c'est plus de thatcherisme, et
non pas moins", peut-être est-il temps de ranimer l'héritage stalinien. Il avait
nationalisé, elle a privatisé; il protégeait la famille, elle l'a démantelée,
elle a tout donné aux riches, il avait tout donné au peuple laborieux.
En France (comme en Italie) le parti communiste stalinien était
le deuxième grand parti, et avait un soutien massif. Depuis que Khroutchev a
obligé le parti à la déstalinisation, il dépérit, jusqu'à aujourd'hui.
Il fallait absolument réformer et mettre à jour le mouvement
communiste, mais la dé-stalinisation était une purge trop violente. La gauche a
perdu sa mordacité, avalant tout rond chaque appât que lui ont jeté les Maîtres
du Discours, et elle est allée dans le mur.
L'un de ces appâts, c'était la question féminine. Lénine avait
été radical à ce sujet, c'est bien connu. Il avait été scandalisé quand Clara
Zetkine, la dirigeante communiste allemande, lui avait raconté que les
communistes allemands discutaient sexe et mariage avec leurs camarades femmes.
"Arrêtez, c'est absurde", lui avait-il répondu, dans leur
correspondance. "Est-ce que c'est le moment de distraire les femmes
prolétaires avec des débats sur les façons d'aimer et d'être aimée, de se marier
et de rester mariée? En ce moment, toutes les pensées de nos camarades femmes,
des femmes de la classe ouvrière, doivent se concentrer sur la révolution
prolétarienne, sur le chômage, les salaires qui s'effondrent, les impôts, et
bien d'autres choses encore." Il est facile d'imaginer comment il répondrait
aujourd'hui au brouhaha homo-matrimonial.
Il reste des mises à jour à faire dans le marxisme, et tout
d'abord, en ce qui concerne le rapport à l'Église. Maintenant, tandis que
l'Église soutient ouvertement les familles modestes, il est temps pour la gauche
de reconsidérer ses rapports avec celle-ci, et de coopérer avec l'Église, comme
l'écrivait déjà Roger Garaudy il y a bien longtemps; "le marxisme s'appauvrira
terriblement s'il devait oublier saint Paul, saint Jean-Baptiste ou Pascal; et
le christianisme sera bien pauvre s'il tourne le dos au marxisme". L'ennemi est
si puissant, et ses projets sont si diaboliques; nous avons besoin de toutes les
forces qui intègrent l'humanisme marxiste et l'humanisme chrétien, pour sauver
l'humanité. Les communistes russes ont déjà fait un pas en ce sens; ils agissent
de concert avec l'Église, et ensemble ils sont en train de fracasser les
manœuvres néolibérales pour s'emparer des objectifs couramment appelés "de
genre". Les Français n'ont qu'à suivre leur exemple.
Traduit de l'anglais par Maria Poumier
Joindre les auteurs:
adam@israelshamir.net
|